Quelle Ville pour demain ? (Épisode 3)

Résilience et développement durable : Les solutions justes autour de nous ?

Alors que nous faisons aujourd’hui face à une multitude de défis, aussi bien sanitaires que socio-environnementaux, il est devenu indispensable et urgent de revoir notre manière de penser la ville, mais aussi d’y vivre et d’y fonctionner en société.

Toulouse Métropole a mandaté COMM1POSSIBLE pour mener une enquête qualitative auprès de 50 acteurs de l’écosystème de la Smart City afin d’établir le bilan des cinq années de travail autour du projet l’Open Métropole, mais surtout de récolter leur vision d’avenir pour la Ville de demain et de concevoir de manière collaborative la prochaine feuille de route 2021-2026 de la Smart City Toulouse.

Au travers de cette série d’articles, nous avons souhaité partager au plus grand nombre les enjeux et les questionnements qui sont ressortis de l’enquête comme fondamentaux pour la construction collective de la ville de demain.

Les bouleversements récents dus au COVID19 ont montré les limites et la vulnérabilité d’un système largement mondialisé. Ainsi, nous avons vu qu’il était indispensable de construire un territoire résilient pour appréhender l’avenir de la meilleure des manières. Il s’avère que de nombreuses réponses à ces crises globales se trouvent finalement au niveau local.

Rentrer dans la boucle de l’écosystème

« Un des thèmes important pour toutes les grandes villes dans les années à venir, ça sera la résilience. Le fait d’améliorer la capacité des villes à résister au changement climatique et aux différentes crises à venir. Je pense que la Smart City pourrait être un outil formidable dans ce sens-là. », nous confie Thomas Guilpain, Responsable prévention des déchets de l’Association Zero Waste.

Au-delà de la nécessité urgente de s’adapter au changement climatique par l’intégration des énergies renouvelables et de la réduction de la pollution notamment, c’est également notre relation avec l’écosystème qu’il semble nécessaire de questionner : « Cette ville de demain on doit essayer le plus possible d’intégrer cette biodiversité. Dons c’est de la verdure mais aussi de la faune. L’être humain est une espèce animale et la première chose dont a besoin une espèce animale pour survivre c’est de son environnement », explique Hubert Beroches, Cofondateur & Président chez AI for Tomorrow.

Cette remise en question implique par conséquent de changer nos façons de penser et de construire la ville de manière à ce qu’elle s’inscrive sur son territoire naturel, en cohabitation avec tout l’écosystème : « Pas uniquement la résilience de la ville comme on peut l’entendre, anthropocentrée, mais au contraire une ville qui s’inscrit sur son territoire et qui devient un territoire résilient. Comment la Smart City se réinscrit avec sa biodiversité et essaie vraiment de la valoriser, de la protéger, de la régénérer ? Notamment peut-être pas la mise en place de services écosystémiques », souligne Hugo Bachellier, Ingénieur Responsable du développement de l’éducation biomimétique et stratégies régionales au Ceebios.

L’omniprésence de la nature dans la ville consisterait dès lors à laisser une place au vivant non humain et de respecter cette présence comme partie intégrante de notre environnement.

Penser comme un territoire solidaire

« Au cœur de la Smart City il y a un sujet qui peut rapprocher utilement les citoyens de la collectivité, c’est alimentation, la consommation locale, l’agriculture urbaine. Pouvoir mettre des paysages comestibles dans les cités, dans les quartiers », déclare Catherine Sciberras, Déléguée Territoriale Occitanie chez Agri Sud-Ouest. L’alimentation ressort comme un point fondamental de la création d’une ville résiliente et selon beaucoup d’interviewés, miser sur l’agriculture locale apporterait une plus grande autonomie à la ville et permettrait une bonne intégration des territoires ruraux dans la boucle, comme le souligne Mélanie Tisné Versailles, Cofondatrice du SCIC Lune Bleue à Toulouse : « On a vu avec la crise du COVID19 qu’on était extrêmement dépendants. Il est grand temps que les villes prennent part à cette autonomie alimentaire et puissent intégrer les acteurs pour réfléchir ensemble à comment rendre la ville autonome. »

Cette question d’autonomie impliquerait une prise en compte des complémentarités territoriales en construisant une ville parfaitement connectée à son territoire global et donc pensée comme une métropole inclusive et solidaire. C’est ce que nous explique Camille Combé, Chargé d’étude à la Fabrique de la cité (Paris) : « Je pense que la métropole idéale ce sera celle qui sera capable de se sortir de l’image d’une métropole qui va vampiriser tout ce qu’il y a autour d’elle, mais qu’on arrive beaucoup plus avec l’image d’une métropole qui va finalement être un infuseur, à la fois de croissance, de bien-être, capable de capter des richesses, mais aussi de les retransmettre à son territoire ».

Les frontières entre le centre, la périphérie, les villes alentours et les territoires ruraux seraient perméables (facilitant les interactions entre chaque échelle) et chaque territoire serait appréhendé avec ses spécificités propres.

Créer avec nos voisins

« Le futur de la ville c’est une ville où on a moins besoin de se déplacer pour vivre, c’est une ville où on a plus besoin de fréquenter son prochain. C’est la ville vue comme un commun, la richesse c’est ce qu’il y a autour de nous et ce qu’on est capable d’appréhender », nous dit Boris Seguy, Contributeur Happy Dev, Réseau de travailleurs indépendants spécialisés dans le numérique.  

La ville deviendrait alors une « ville-villages » et serait alors une place idéale pour faire vivre le collectif, amener une dynamique de solidarité et développer des ressources communes à tous. Cela se traduit par des infrastructures offrant des possibilités d’expérimentation (tiers lieux), un système d’habitat mixte, ou encore des lieux publics qui favorisent l’échange, comme l’imagine Maguelone Pontier, Directrice générale du Marché d’Intérêt National, Toulouse : « Ce serait une ville où on ne fait pas que passer, où on vit. Les places de village, c’est là où tout se passe […] des lieux qui deviennent des destinations en soi. »

« Il est possible que l’on ait besoin de penser des laboratoires d’usages qui seraient centrés sur un quartier, et qui répondraient à des problématiques de quartier, de vie de proximité, puisque ça permet d’impliquer les acteurs de la proximité. », nous révèle Emmanuel Eveno, Enseignant chercheur et professeur à l’Université Toulouse Jean Jaurès. La facilitation du lien et du partage apparait alors comme nécessaire pour faire émerger les intelligences et les talents de tous au sein des quartiers.

Vers la ville des proximités ?

La valorisation des richesses locales entre en complémentarité avec la recherche d’une mobilité plus saine en terme de transports ainsi qu’une réduction des grands déplacements. L’engorgement des villes par les voitures est largement vu comme problématique : « Ce qu’il faudrait arriver à faire c’est à changer le comportement des usagers de la voiture […] mais savoir vraiment ce qui va déclencher ce changement de comportement. Puisqu’on ne laissera la voiture que si on trouve le même service, c’est-à-dire “je peux aller où je veux quand je veux“. », nous confie Marie-Pierre Gleizes, Professeur d’université à l’IRIT Université Toulouse 3. Il devient donc essentiel d’optimiser les systèmes de transports en communs et les moyens de mobilité douce pour installer des habitudes qui agiront au bénéfice du collectif, de la sécurité et de la qualité de vie.

« Aujourd’hui, cette démarche de ville inclusive, je la concrétise par ce que j’appelle la ville de proximité, la ville du quart d’heure », nous explique Carlos Moreno, Professeur associé Paris-Sorbonne, directeur scientifique de la Chaire ETI. « Quand le citoyen est au cœur et qu’on reconstruit son environnement pour qu’à moins d’un quart d’heure, en mobilité active, il retrouve un équilibre de ses fonctions sociales, là on est en train de parler d’une ville qui, écologiquement a une faible empreinte carbone, qui économiquement aura développé des nouveaux services de proximité et donc des usages qui vont revitaliser la vie de proximité, et on va retrouver une inclusion sociale qui permet de donner une chance à chacun de nous. » La ville trouverait donc un caractère plus polycentrique, aussi bien en terme d’usages, d’interactions et de dynamiques économiques.

Les principales réponses aux enjeux socio-environnementaux peuvent se trouver dans une approche locale du territoire. La proximité est peut-être l’élément fondamental qui fera de la ville de demain, une ville tout à fait résiliente et inclusive pour l’ensemble de ses habitants et de ses territoires. Il y a donc un intérêt considérable à repositionner la Smart City de manière à ce qu’elle s’inscrive dans cette logique. Tous les feux sont au vert…

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